mardi 28 octobre 2008

Tiens, ils commencent à bousculer leurs propres dogmes


Vu tard sur France 2 l'émission Mots croisés, animée par Yves Calvi (toujours moins bon hélas).


Quatre éminents économistes, deux de droite et deux de gauche, discutaient assez brillamment de la crise financière/économique. Tous étaient favorables, une fois les mesures d'urgence prises, à l'établissement rapide de systèmes de régulation des marchés pour ne plus laisser la Guilde des supermarchands poursuivre ses tours de passe-passe financiers.


Mieux: à la fin du débat, on a supposé que cette récession pouvait correspondre à la crise écologique sous-jacente. On a évoqué l'idée hautement subversive selon laquelle le bien-être ne dépendait pas totalement de la consommation. On a même imaginé les Occidentaux se tournant vers d'autres valeurs que celle, par exemple, de la taille de leur voiture.


En somme, on semblait enfin intégrer l'évidence: la planète a déjà été trop durement exploitée et devient décidément trop petite pour entretenir le mythe de la croissance infinie.



dimanche 26 octobre 2008

Sortir de l'âge du feu


Les pourfendeurs des visions écologistes les décrivent - c'est devenu un cliché de café du commerce - comme des appels au retour à l'âge des cavernes.

Premièrement, nos ancêtres du paléolithique méritent surtout une pensée admirative et reconnaissante plutôt que de la condescendance et du mépris. Pour survivre, perpétuer l'espèce et avoir permis les civilisations qui leur ont succédé, ils ont fait preuve de courage, de ténacité, d'ingéniosité, de solidarité et de respect de leur environnement (même s'il était culturel et non délibéré). Ils ont au fond réussi leur pari alors que nous risquons de rater le nôtre.

Deuxièmement, la révolution industrielle n'a au fond rien fait d'autre que de faire du feu, toujours plus de feu, encore plus de feu. Elle a transformé la Terre en une immense caverne dotée de foyers toujours plus démesurés, toujours plus contraignants à alimenter, toujours plus déstabilisants pour la biosphère. Feux de bois et de charbon pour la vapeur, combustion déraisonnable de pétrole, fuite en avant dans le feu nucléaire.

Les pensées écologiques proposent justement de sortir de cette carbonique orgie de feux pendant qu'il est encore temps.

mardi 14 octobre 2008

Bousculade programmée


Sécheresse, érosion, déforestation, montée des eaux, crise de l'eau potable... Certains experts estiment que, d'ici à 2050, 200 millions de personnes, soit trois fois la population de la France, auront choisi l'exil pour fuir ces fléaux écologiques.

Ces réfugiés écologiques s'ajouteront aux centaines d'autres millions de personnes qui auront quitté leur pays pour des raisons plus classiquement économiques, victimes de l'inéquitabilité du commerce international.

Cette gigantesque et tragique bousculade, ce sauve-qui-peut d'un demi-milliard de damnés de la Terre symbolise l'essoufflement d'un système économique injuste et irrationnel.

Mais cet exil de masse symbolise aussi l'essoufflement d'une biosphère qui doit subvenir chaque jour aux besoins vitaux d'un bonus de population équivalent à la ville de Genève, chaque mois à un surplus d'âmes comparable à la population de la Suisse et chaque année à une augmentation démographique équivalente à la population de l'Allemagne.

dimanche 12 octobre 2008

Une initiative qui pue


L'initiative des radicaux visant à limiter encore plus le droit de recours des associations, cette initiative pue. Elle mérite donc d'être balayée comme la petite saleté qu'elle est.

C'est une saleté pour trois raisons principales:

1. C'est une initiative antidémocratique dans la mesure où les associations concernées représentent sans doute un bon million de citoyens si on additionne leurs membres, leurs donateurs, leurs sympathisants, leurs clientèles.

2. C'est une initiative féodale dans la mesure où elle cherche à renforcer la capacité de nuire d'une petite coterie financière et immobilière prédatrice, qui ne voit la nature qu'à travers le trou d'une bétonnière, qui rêve de transormer les Alpes entières en un grand Verbier (photo).

3. C'est une initiative qui pue enfin en raison des méthodes de récolte de signatures employées, méthodes dont j'ai moi-même été la cible à Lausanne: "Bonjour Monsieur, voulez-vous signer notre initiative? Je précise tout de suite que ce n'est pas une initiative contre les associations écologistes."

Les radicaux qui soutiennent cette saloperie n'ont plus guère de crédibilité démocratique.

jeudi 9 octobre 2008

Flexibilité variable


Comme toutes les idéologies, le libéralisme prône des valeurs et des qualités qu'il a de la peine lui-même à refléter, telle cette fameuse flexibilité qui revient en boucle dans la bouche des partisans du Divin Marché.


Mais la fle-xi-bi-li-té (comme ils disent avec l'index magistral levé bien haut), c'est seulement fait pour les gueux qu'on crache hors du système comme des noyaux d'olive quand les affaires vont moins bien.


En revanche pas question de flexibilité créative de l'économie. Pas question de prendre en compte le monde réel, c'est-à-dire les impératifs et les équilibres écologiques et sociaux, ni les limites physiques pourtant évidentes de la biosphère. Pensez... cela remettrait en question les fondamentaux (prédation illimitée, inégalité continuelle du niveau de vie entre et parmi les peuples, dévastation aveugle du capital naturel, etc.) du néolibéralisme le plus cynique.


Cette rigidité quasi religieuse risque pourtant d'aboutir à un scénario global cauchemardesque de brisure soudaine: saccages, démolitions, révoltes, révolutions, conflits, guerres généralisées.

mercredi 8 octobre 2008

Lithium


Un article intéressant dans "Le Monde" d'aujourd'hui (journal qui consacre désormais ses pages 4-5 aux problématiques écologiques) sur la pénurie programmée de lithium (photo: sel de lithium en Bolivie).


Tout le monde applaudit, rassuré à l'idée que le quasi milliard de véhicules carburant aujourd'hui au pétrole vont passer peu à peu à l'électricité. Mais c'est oublier que les batteries électriques parfaites (compactes et légères, puissantes, rechargeables à volonté et donc échappant l'obligation d'être recyclées) n'existeront sans doute jamais.


Le lithium des batteries actuelles (la moins mauvaise technologie actuelle) se trouve en quantité et dans des régions du globe limitées (au Tibet notamment...). Ce métal n'est en outre pas parfait puisqu'il perd de sa capacité d'accumulation au fil des recharges. Dans l'article en question, on estime que quelques millions seulement de véhicules fonctionnant avec ces batteries pourraient être produits avant l'épuisement de ce métal dont le prix a déjà décuplé.


La solution solaire-électrolyse-hydrogène semble donc a priori moins limitée physiquement que celle des accumulateurs.


Ce problème de batteries illustre en tout cas cette sempiternelle illusion héritée du 19e siècle selon laquelle le génie humain trouvera toujours des solutions pour continuer à étendre son emprise sur la planète.


Il faudra pourtant admettre collectivement que tous les transports auront toujours un coût non seulement financier mais aussi écologique, et que la capacité de développement des transports bute sur des limites indépassables.


Crise financière, crise écologique


La crise écologique en cours a un gros handicap pour être prise au sérieux et engendrer des actes de soin: la dégradation de l'état de la planète est suffisamment lente pour être supportable à l'échelle d'une vie d'homme.


Une crise financière en revanche, même si personne ne se fait jamais d'illusion sur l'autonomie de vol de ce jeu de l'avion global, éclate toujours brutalement. Les dirigeants s'asseyent donc au chevet de la malade et alignent de nouveaux milliards, plus ou moins fictifs, pour accorder un sursis respiratoire et cardiaque à l'obèse moribonde.


Il s'agit pourtant d'un seul et même mal, mais on se contente de n'en soigner que les symptômes et non la cause.

mardi 7 octobre 2008

Indésirable cosmologie


Il est étonnant et regrettable que la cosmologie soit pratiquement absente des programmes scolaires, notamment des programmes de géographie.


Cela fait pourtant presque un siècle, depuis la découverte par Edwin Hubble de la nature et la position respective des galaxies, que l'architecture de l'univers est bien connue et facilement vulgarisable.


L'école obligatoire n'ose pourtant pas donner aux enfants les moyens de situer leur planète dans le cosmos. Pourquoi ce refoulement de la grande dimension alors qu'elle semble pourtant aussi fondamentale que les bases de la structure atomique?


Peut-être parce que les pédagogues estiment que cette plongée vertigineuse dans l'infiniment grand risque de perturber les jeunes intelligences en leur insufflant des angoisses existentielles.


Peut-être aussi que le relativisme qu'inspire cette géographie cosmique risquerait d'accentuer le relativisme moral des jeunes consciences que notre société si souvent futile et brutale encourage déjà dramatiquement.


Peut-être encore qu'apprendre que notre monde est perdu dans une bête banlieue d'une galaxie normale parmi des milliards d'autres et qu'il tourne autour d'une étoile plutôt faiblarde, oui, peut-être qu'apprendre cela n'est pas assez prestigieux pour nos tendances anthropocentristes. Et que cet anonymat cosmique est donc indigne de ce Dieu que nous avons créé à notre image (il paraît que c'est l'inverse, mais j'en doute).


Peut-être enfin parce que les pédagogues manquent eux-mêmes parfois de curiosité et ne lèvent que rarement les yeux vers le ciel.

Défense de la véhémence


L'écologisme a débuté de manière souvent véhémente. Des précurseurs comme Henry David Thoreau (photo) aux mouvements, notamment antinucléaires, des années 70, le ton était volontiers musclé.

Les ONG sont ensuite devenues de plus en plus fréquentables en baissant le ton et en optant pour des stratégies de collaboration avec les milieux politiques et économiques. Ce sont au contraire les partisans de l'exploitation aveugle de la planète qui sont devenus outranciers.

En optant pour une plus grande respectabilité, les mouvements et les personnalités écologistes ont vu juste. Mais on doit aussi se demander si cette "zen attitude" ne devrait pas être mise parfois entre parenthèses.

Les coups de gueule et de poing sur la table à la façon Franz Weber ou Edmond Kaiser ont aussi du bon. Pour autant qu'elle soit bien ciblée, la véhémence est nécessaire dans ce monde cacophonique où il est plus difficile que jamais de faire entendre sa voix.

Véhémence n'est cependant pas violence. Pour conserver sa crédibilité et son efficacité, l'écologisme doit pratiquer la non-violence absolue.

Les pourfendeurs de l'écologisme n'attendent en effet que le premier dérapage pour lancer une chasse aux sorcières. Ils voient d'ailleurs déjà de l'écoterrorisme partout, ce qui est le comble du cynisme dans la mesure où ce sont bien les militants écologistes qui, par milliers, ont payé et paient encore de leur vie ou de leur liberté leur engagement en faveur de l'environnement.

dimanche 5 octobre 2008

Développement supportable


Quand va-t-on enfin corriger cette erreur de traduction historique de l'anglais vers le français?

Il n'y a pas et il n'y aura jamais de développement durable. C'est un oxymore. Car tout développement matériel implique une perte de naturalité. Toute infrastructure s'impose au détriment de la biosphère.

L'expression anglaise sustainable development (développement supportable) est donc juste, elle. Il faut bel et bien viser un développement matériel aussi supportable que possible pour la planète et pour les sociétés humaines.

Le seul développement vraiment durable est immatériel. Ce sont les développements des consciences, de la solidarité, de la simplicité joyeuse, du pacifisme, des cultures, d'une agriculture locale, douce et équitable, etc.

En revanche, entretenir le mythe que les développements matériel, industriel, immobilier ou autres peuvent être sans impact sur la durée, c'est entretenir une illusion qui offre un alibi bien pratique aux idéologues de la croissance infinie et du profit inégalement réparti.

Les deux grands tabous écologiques



L'écologie a deux grands tabous. Et ces deux tabous sont si tabous que les écologistes eux-mêmes n'osent pas les aborder.

Le premier est celui de la décroissance. Il faudra bien un jour considérer cette perspective comme une fatalité et non comme une idéologie. Toutes les matières premières, à commencer par les plus vitales comme l'eau potable, sont en effet en voie de raréfaction accélérée.

Le second tabou, intimement lié au premier, c'est la démographie humaine: 6,7 milliards d'êtres humains, c'est trop, beaucoup trop. Le dénuement dans lequel se débattent quotidiennement la moitié d'entre eux le prouve. Et 9 milliards d'êtres humains à l'horizon 2050, c'est le sauve-qui-peut général garanti.

Plutôt que de devoir affronter sans préparation ces deux réalités, il faut les prendre en compte, aussi bien à l'échelle internationale qu'à l'échelle locale.